RAPPEL
Au cours du mois d'avril 2005, l'association MediBus a mis sur pied le projet Cameroun dans la région de Mefou près de Yaoundé. Ce projet consistait en l'attribution de fonds permettant l'achat de médicaments afin de soutenir un système de santé mis en place par la Coopération Technico-Médicale Cameroun-Jura-Suisse. Ce système concerne deux départements comportant une vingtaine de dispensaires, chacun étant responsable d'une population rurale d'environ 2000 à 5000 habitants. La réorganisation du système de santé répondait dans les années 90 à un manque chronique de médicaments dans les dispensaires les plus périphériques. Elle s'est ainsi axée sur une gestion commune des pharmacies de l'ensemble des dispensaires et hôpitaux d'arrondissement de ces deux départements.
La première équipe de MediBus a attribué en 2005, l'équivalent de 2500 CHF
de médicaments à cinq dispensaires et a permis, grâce à l'achat l'infrastructures, l'intégration d'un nouveau centre de santé à ce système.
Une deuxième équipe de MediBus, formée de deux jeunes étudiants médecin, Laurent Bochatay et Laurence Fabian, et d'un médecin généraliste, le Dr Angelo Juliano, est partie en mars de cette année au Cameroun afin de poursuivre le projet mis en place en 2005.
EFFETS DE LA MISSION 2005
a) Intégration du centre de Kamba
Le stock de base de médicaments attribué en 2005 au centre de Kamba a permis l'intégration de celui-ci au système de santé de la région. Afin de réduire les frais fixes, l'infirmier prescripteur fait office également de commis de pharmacie. Les comptes de cette année se sont révélés satisfaisants et équilibrés malgré une faible fréquentation (6 patients par jour en moyenne).
Le coffre-fort, financé lors de la mission précédente, était toujours en attente de livraison à Yaoundé. Il a été mis en place pendant le séjour de nos collaborateurs et permettra de sécuriser l'argent du dispensaire et de protéger des cambriolages éventuels.
b) L'hôpital d'arrondissement de Dzeng
Le centre de santé de Dzeng est un centre à faible fréquentation, malgré son statut d'hôpital d'arrondissement. Il dessert de nombreux habitants dispersés sur un lieu géographique disparate et se trouve à 6 km du téléphone le plus proche. Le médecin sur place produit un travail extraordinaire et présente une plus-value pour la population locale. L'aide attribuée en 2005 sous la forme d'un stock de médicaments de 250 CHF a été utilisée à bon escient et la pharmacie gérée de manière adéquate. Il persiste toutefois un déficit dans les comptes en raison d'une faible fréquentation et de quelques médicaments périmés.
c) Le centre de Bikok
Ce centre de santé aidé en 2005 présente également une bonne gestion de sa pharmacie, mais un grand nombre de médicaments périmés a perturbé son équilibre budgétaire.
d) Les centres de Ntouessong Soa et Mefomo
Ces deux dispensaires, qui avaient reçu chacun des stocks de médicaments d'une valeur de CHF 250 en 2005, ont mal géré leurs pharmacies. Nous avons constaté un manque de motivation de la part des acteurs locaux et avons donc décidé de ne pas reconduire notre aide à ces dispensaires lors de la mission 2006.
MISSION CAMEROUN 2006
Le projet initial pour 2006 consistait en l'apport de médicaments d'une valeur de 2500 CHF à distribuer entre dix dispensaires de la région répondant à des critères de bonne gestion. Sur place, le projet a été adapté dans le but de permettre à court ou moyen terme une autonomisation du système et non seulement un comblement des déficits.
a) Analyse de la situation
Le système de santé mis en place par la Coopération Cameroun-Jura-Suisse comporte 23 dispensaires, dont une partie (6 au total) a présenté cette année des bénéfices et une majorité (14) a présenté des comptes équilibrés. Trois dispensaires (Nbankomo, Esse et Soa) se sont révélés toutefois nettement déficitaires au courant de l'année 2005. La raison de ces déficits s'explique d'un côté par une mauvaise gestion, et de l'autre par des cambriolages à répétition.
L'ensemble des comptes des pharmacies du système est déficitaire depuis plusieurs années maintenant, mais les déficits tendent à se corriger depuis 2003. En 2003 et 2004, ils ont été en partie comblés par l'allocation d'un fonds du FMI (le fonds Pays Pauvres Très Endettés), alors qu'en 2005 le fonds MediBus est venu réduire ce déficit (année où le fonds PPTE s'est arrêté). En 2006, le déficit s'élève à près de 3'500'000 francs CFA (8750 CHF).
En considérant que la perte entraînée par la mauvaise gestion des 3 dispensaires précédemment cités s'élève à près de 3'000'000 francs CFA/an et que le coût des médicaments périmés s'élève à près de 2'500'000 francs CFA/an, nous avons souhaité, afin de permettre à ce système de se rapprocher d'un équilibre budgétaire et d'une certaine autonomie, d'orienter notre action de la manière suivante :
Sollicitation d'une participation de nos partenaires de la Coopération et des communautés locales des dispensaires déficitaires sous la forme d'un financement de l'achat des médicaments pour leurs pharmacies. En contre partie, nous avons décidé de renforcer l'accès aux soins et la sécurité dans deux de ces centres déficitaires.
Sensibilisation à une bonne gestion des stocks de médicaments.
Allocation de fonds sous forme de médicaments à 3 dispensaires ruraux répondant à des critères de bonne gestion.
b) Le centre de santé de Nbankomo
La ville de Nbankomo comprend une population de 10'000 habitants et est située près de la route reliant Yaoundé à Douala. Le dispensaire qui se trouve au centre même de la ville a été privé de moyens au profit d'un hôpital qui a été créé en périphérie. Les raisons politiques de cette délocalisation restent obscures, mais ne répondent pas aux besoins de la population dont une grande partie n'a pas accès à cette nouvelle infrastructure. Du fait de son isolement, cet hôpital a été victime à plusieurs reprises de cambriolages, ce qui explique en partie les grandes pertes engendrés par ce centre.
En accord avec les autorités locales, il a été décidé de renforcer le potentiel du dispensaire se trouvant au centre même de la ville et dont l'infirmier-prescripteur fait de son mieux depuis des années avec la très petite pharmacie à sa disposition (quelques paracétamols tout au plus…).
Une allocation de 687.5 CHF (275'000 CFA) a été attribuée par MediBus pour l'installation d'un coffre-fort permettant de sécuriser ce centre et de l'intégrer au système de santé de la Coopération. En contre partie, un stock initial de médicaments d'une valeur de 1250 CHF (500'000 CFA) a été apporté par la CRM* via le fonds de solidarité des pharmacies. La communauté de la ville, via les élites locales, a également participé à la constitution de ce stock à hauteur de 100'000 CFA (250 CHF).
A noter que l'installation du coffre-fort s'est faite en présence de nos collaborateurs et de quelques membres importants de la ville.
c) Le centre de santé de Soa
La ville de Soa est un centre universitaire, qui comprend également un dispensaire au centre-ville et un hôpital délocalisé en périphérie. Il s'agit donc de la même situation que celle décrite précédemment. Le dispensaire se situe dans les locaux de l'ancien hôpital régional et dispose d'une bonne infrastructure avec des locaux spacieux et un coffre-fort déjà installé. Néanmoins l'infirmier-prescripteur y travaille avec un stock de médicaments très réduit. MediBus a décidé d'allouer 750 CHF (300'000 CFA) sous forme de médicaments fréquemment utilisés, afin de renforcer le potentiel de ce centre qui est plus accessible à la population. Ceci s'est fait à la condition expresse que la communauté locale et le système de santé mis en place par la Coopération fournissent une somme équivalente (300'000 CFA) pour la constitution d'un stock de médicaments initial d'une valeur de 600'000 CFA au total.
d) Les centres de santé de Bikok, Dzeng et Essazok
Des stocks de médicaments d'une valeur de 375 CHF (150'000 CFA) ont été attribués aux centres de santé de Bikok et Dzeng. Ces dispensaires avaient déjà bénéficié du fonds MediBus en 2005. Ils restent tout de même déficitaires cette année, malgré une gestion conforme à nos attentes. Leurs déficits sont dans ce cas liés à une faible fréquentation (dispensaires ruraux).
Le centre d'Essazok, qui couvre une population d'environ 6000 habitants et a une moyenne de 15 consultations par jour, a reçu un stock de médicaments de 312.5 CHF (125'000 CFA).
e) Médicaments périmés
Comme mentionné plus haut, les médicaments périmés représentent une perte de 2'500'000 francs CFA. Les principaux médicaments concernés sont :
- La Benzanthine 2.4 million, pour laquelle la poudre fournie est très difficile à diluer correctement, d'où des pertes importantes de produit.
- La Pénicilline G5 est souvent commandée, mais peu prescrite et la date de péremption est ainsi souvent dépassée pour ce produit.
- Les ovules de Nystatine sont conditionnés et distribués par emballages de 1000, alors que la plupart des dispensaires n'ont besoin que de 100 à 500 ovules.
- Le chloramphénicol arrive souvent de Yaoundé avec une date de péremption trop rapprochée.
Ces problèmes ont été rappelés aux gestionnaires du Centre Relais Médicaments de Mefou et des solutions ont été proposées. Par exemple, pour la Nystatine, nous avons suggéré aux autorités sanitaires de mieux répartir les quantités d'ovules en reconditionnant les paquets de 1000 en paquets de 100, et de les redistribuer en fonction des besoins réels.
CONCLUSION
Le système de gestion en commun des pharmacies mis en place par la Coopération Cameroun-Jura-Suisse est non seulement nécessaire pour des raisons de rentabilité, mais il permet surtout le maintien d'un grand nombre de dispensaires ruraux et périphériques. Dans la plupart des cas, ces dispensaires sont pour toute une partie de la population l'unique accès à des soins de base et à un traitement médical.
Même si la gestion de ce système s'est améliorée depuis quelques années, des progrès restent à faire. La mission 2006 a permis de mettre en évidence plusieurs dysfonctionnements que nous avons tenté de corriger en collaboration avec les acteurs locaux. Nous avons ainsi soutenu la réhabilitation de deux centres de santé urbains dans deux zones jusque là très largement déficitaires, représentant par conséquent une lourde charge pour l'ensemble du système. De plus, nous avons tenté d'impliquer d'avantage les populations locales et avons proposé plusieurs mesures afin d'améliorer la gestion des stocks.
A travers ces différentes actions, nous souhaitons mener ce système vers un équilibre budgétaire stable et durable. La mission de l'année 2007 nous éclairera sur les effets de notre intervention dans les départements de la Mefou-Akono et de la Mefou-Afamba, et nous espérons qu'elle aura contribué à rendre ce système de santé plus viable et autonome.