INTRODUCTION
Pendant la période du 4 au 21 avril 2005, deux membres de l'association MediBus, Rodrigo de Sousa et Yohann Graz, sont partis au Cameroun dans la région de Mfou, afin de mettre sur pied le projet " Cameroun avril 2005 " . Ce projet, tel que décrit initialement dans la recherche de fonds, a été revu et modifié pour deux raisons. Tout d'abord, en raison d'une somme collectée inférieure à nos objectifs, mais également suite à des discussions complémentaires tenues avec plusieurs personnes de terrain.
Ainsi, lorsque les deux membres quittent la Suisse pour le Cameroun, le projet consiste en l'apport de médicaments d'une valeur de 2500 CHF tous les six mois sur une période de deux ans et destiné à deux dispensaires des districts de Mfou et de Soa. Ce voyage a pour but d'évaluer la situation sur place, de discuter avec les acteurs locaux et d'effectuer les adaptations nécessaires.
ORGANISATION DU SYSTEME DE SANTE
a) La Coopération Technico-Médicale Cameroun-Jura-Suisse
Un partenariat existe depuis 1992 et met en relation le service de coopération du Jura et les responsables de la santé publique des départements de la Mefou-Afamba et de la Mefou-Akono. L'ensemble des huit districts de ces deux départements fonctionne selon un système de santé mis en place par la Coopération.
Chaque district comprend un hôpital d'arrondissement et plusieurs dispensaires. Chaque dispensaire sert de centre de soins pour plusieurs villages (en moyenne 2000 à 5000 habitants). Dans chacun d'entre eux, il y a un commis et un ou deux infirmiers prescripteurs.
b) L'infirmier prescripteur
L'infirmier prescripteur est un fonctionnaire de l'Etat, dont la mission est d'apporter des soins, d'instaurer des traitements adéquats pour un grand nombre de pathologies et d'adresser les patients en cas de besoin au centre référent. Il est aussi chargé d'effectuer les vaccinations, les consultations prénatales, les accouchements non-compliqués et le suivi du développement de l'enfant, ainsi que d'éduquer la population aux mesures d'hygiène de base.
Chaque dispensaire (appelé Centre de Santé) comprend au moins une pharmacie, une salle de soins, une salle de consultation, une salle d'accouchement et une chambre d'hospitalisation avec deux lits. L'infirmier est également chargé de l'entretien des lieux et du matériel.
c) Le commis de pharmacie
Le travail du commis consiste à vendre les médicaments à un prix fixé par l'Etat aux patients bénéficiant d'une ordonnance et de gérer les finances ainsi que le stock de la pharmacie du dispensaire. Il reçoit un salaire (entre 30 et 60 CHF/mois) échelonné selon le chiffre d'affaires de la pharmacie. Ce salaire est théoriquement déduit des bénéfices engendrés par la vente des médicaments.
Chaque commis est sélectionné sur la base d'un test d'aptitude par les responsables du district parmi une liste de candidats désignés par la communauté locale (Comité de Santé).
d) Le Comité de Santé (COSA) et le Comité de Gestion (COGE)
Chaque village de la région couverte par le dispensaire désigne deux représentants pour être membres du Comité de Santé. La mission de ce Comité est avant tout de servir de lien entre le Centre de Santé et la population, par exemple lors des campagnes de vaccination et pour l'éducation aux mesures d'hygiène élémentaire. Il est également chargé de former un Comité de Gestion qui supervise le travail du commis.
e) Le district
Le médecin-chef du district est responsable du bon fonctionnement de l'hôpital d'arrondissement ou départemental, ainsi que des dispensaires. Une supervision médicale a lieu de manière régulière par le médecin-chef, un infirmier cadre, ainsi qu'un représentant du Comité de Gestion du District.
Cette supervision évalue le travail de l'infirmier à travers les différents registres et données statistiques récoltées. Le médecin-chef du district est également responsable de la politique de santé publique menée sur son territoire (ex. journées de vaccination nationales).
f) Le Centre Relais des Médicaments (CRM)
L'ensemble des médicaments essentiels au Cameroun est importé par la Centrale Nationale des Médicaments à Yaoundé (CENAME). La CENAME distribue les médicaments aux Centres d'Approvisionnement Provinciaux (CAP). Ces derniers sont responsables de la vente des médicaments à l'ensemble des hôpitaux et Centres de Santé d'une province (environ 80 établissements).
Le CRM est quant à lui une structure unique au Cameroun. Il bénéficie d'une dérogation ministérielle dans le cadre du projet de la Coopération Technico-Médicale Cameroun-Jura-Suisse lui permettant de jouer le rôle de centre d'approvisionnement pour les départements de la Mefou-Afamba et de la Mefou-Akono.
Il se différencie des CAP dans la mesure où il fait partie intégrante du système de gestion de la santé mis en place par la Coopération. En effet, son rôle n'est pas seulement de fournir des médicaments aux différentes pharmacies, mais également de superviser leur gestion, de soutenir les pharmacies déficitaires et de participer dans la mesure du possible à des projets de développement locaux.
Chaque pharmacie, aussi bien celles des hôpitaux de référence que celles des Centres de Santé périphériques, est gérée par un commis de pharmacie selon un protocole précis.
Le commis est tenu de facturer chaque vente de médicaments en gardant un double du récépissé, de tenir un livre de compte et des fiches de stock des médicaments. A l'issue de chaque journée, l'ensemble des recettes est introduit dans un coffre-fort, dont il ne contrôle pas l'ouverture (deux serrures, une clef détenue par le président du COGE, l'autre par le CRM). Tous les trois mois, l'équipe de supervision constitué d'un membre du CRM, du président du COGE et d'un représentant du district (membre du Comité de Gestion du District ou COGEDI) ouvre le coffre pour comparer l'ensemble des recettes récoltées avec la comptabilité tenue. Le reste de la supervision porte sur la tenue de la pharmacie et l'inventaire du stock. Une grille de supervision est alors remplie par les différents acteurs présents et archivée au CRM. Elle sert notamment à réaliser le compte des résultats des pharmacies chaque semestre (en janvier et juillet).
REALISATION DU PROJET
a) Le Centre de Santé de Kamba
Le cas du centre de santé de Kamba (district de Mfou) est particulier dans la mesure où il n'intègre pas le système de santé décrit précédemment. Son ouverture en avril 2003 fait suite à une initiative de la communauté locale soutenue par le Ministère de la Santé. Il n'a toutefois jamais reçu les fonds nécessaires à la constitution d'une pharmacie de base.
Devant le fait accompli, le district de Mfou a décidé d'y afférer un infirmier prescripteur. Celui-ci travaille avec une pharmacie de garde (stock restreint d'environs 400 CHF) fournie par les réserves du CRM issues du fonds PPTE (Pays Pauvres et Très Endettés), qui est attribué chaque année depuis 2002 par le Fonds Monétaire International.
La fréquentation du dispensaire de Kamba est de l'ordre de 5 à 6 patients par jour. Il représente le dernier Centre de Santé avant celui de Nkolmewah, qui se trouve éloigné de 40 km. Le maintien et le développement de ce dispensaire semble donc nécessaire à la population, mais en raison d'un manque de médicaments et d'un coffre-fort (cf . organisation du système de santé), d'une absence de supervision par le CRM et d'implication directe de la communauté locale, son intégration au système de santé de la Coopération s'impose.
D'entente avec les différents acteurs locaux, dont le Dr Manga, médecin-chef du district de Mfou et responsable de la Coopération, et le Dr Bell, pharmacien-chef du CRM, MediBus a décidé d'acheter un stock supplémentaire de médicaments de 1000 CHF ainsi qu'un coffre-fort d'une valeur de 500 CHF, conditions requises pour cette intégration.
Les médicaments ont été livrés le 21 avril 2005, et le coffre-fort sera confectionné la dernière semaine du mois d'avril. En attendant que le Comité de Santé et le district choisissent un commis, l'infirmier prescripteur gèrera cette pharmacie selon le protocole mentionné plus haut et sera soumis à la même supervision que les autres centres.
b) Le Fonds MediBus
Depuis 2001, les marges bénéficiaires sur les prix de vente des médicaments aux patients ont été fixées par le Ministère de la Santé. Cette mesure bénéficie directement aux patients, mais a engendré des problèmes d'ordre financier pour le système de santé en place.
En effet, les Centres de Santé à faible fréquentation n'arrivent plus à dégager suffisamment de bénéfices sur la vente des médicaments pour couvrir le salaire du commis ainsi que divers frais fixes. Les fonds attribués au renouvellement du stock doivent souvent être utilisés pour effectuer ces règlements.
L'ensemble des pharmacies de la région et le CRM fonctionnant selon un mode de solidarité commune, le capital global se retrouve en diminution chaque année. Les conséquences de cette dérive risquent à terme de mener à la fermeture ou l'exclusion des centres de santé déficitaires, pourtant si utiles à la population rurale.
MediBus propose la création d'un fonds de solidarité pour soutenir ces centres en médicaments. Une somme de 1000 CHF est allouée en avril 2005 à quatre Centres de Santé (Dzeng, Mefomo, Ntouessong Soa et Bikok) à hauteur de 250 CHF chacun, sous forme de médicaments essentiels. Cette somme correspond à peu près à leur perte de capital sur 6 mois.
Ces médicaments ont été acheminés dans ces centres par l'équipe MediBus entre le 18 et le 21 avril 2005. Ils intègrent le système de gestion des médicaments existant.
POURSUITE DU PROJET
Tous les six mois pendant deux ans, l'association alimentera le fonds de soutien MediBus à hauteur de 2500 CHF. L'apport de ce fonds, sous forme de médicaments essentiels, se fera lors de chaque exercice comptable en janvier et en juillet. A cette période, un ou plusieurs membres de MediBus se rendront sur place. La distribution des médicaments se fera alors, d'entente avec les acteurs locaux du district et du CRM, après examen des grilles de supervision et des comptes de résultats des pharmacies. La somme sera répartie entre une dizaine de dispensaires déficitaires remplissant des critères de bonne gestion.
En ce qui concerne le Centre de Santé de Kamba, le suivi portera particulièrement sur l'installation du coffre-fort, l'implication de la communauté locale et la pleine intégration du dispensaire dans le système de la Coopération.
En outre, un feed-back aura lieu de manière régulière à travers le Dr Manga, qui se rend en moyenne deux fois par année en Suisse dans le cadre de la Coopération.
CONCLUSION
Lors de cette première expérience sur le terrain, MediBus a bénéficié d'un cadre privilégié, celui du système de santé mis en place par la Coopération.
Les conditions de travail des infirmiers dans les Centres de Santé se sont révélées difficiles au vu des prestations exigées, de leur isolement et des faibles moyens à leur disposition. Le personnel médical et administratif a fait preuve de compétence et s'est montré motivé par ce projet.
Bien que les comptes mettent en évidence certaines lacunes, notamment dans la gestion des pharmacies de quelques dispensaires, le maintien de la plupart de ces Centres de Santé périphériques reste indispensable pour l'accès aux soins de tout un ensemble de la population. Les efforts investis ces dernières années dans la région et leurs résultats ne procurant pas encore une réelle autonomie, la constitution d'un fonds de soutien en médicaments essentiels est un moyen d'y parvenir.
L'association MediBus espère ainsi, à travers une aide planifiée sur deux ans ou plus, permettre aux acteurs locaux de se réorganiser pour atteindre cet objectif.